dimanche 9 mai 2010

Pierre et la Mort II

« Voilà M Pierre, je ne vais pas y aller par quatre chemins : je serai franc. Ce n’est jamais facile d’annoncer ce genre de nouvelle, aussi j’irai droit au but. Je vais donc vous dire franchement... » Pierre avait cessé d’écouter presque dés les premier mots. Il n’avait pas besoin de s’entendre dire qu’il était condamné. La seule chose qui l’intéressait était de savoir de combien de temps il disposait encore. Laissons le médecin annoncer de la manière à laquelle il est accoutumé la sentence, à sa manière professionnelle et officielle qui devait bien, après tout, être la meilleure. Combien de temps, donc ? Combien de jours, mois, années ? Pierre tâcha de se rappeler depuis combien de temps déjà il aurait pu déceler en lui le cancer prudent, la petite bête qui ronge, et quand bien même ? S’il avait gagné deux mois ou même un an ; il songea avec humour qu’il aurait peut-être guéri pour mourir d’autre chose plus tôt encore. Aurait-il été, pendant ses derniers jours, plus vivant car moins mortel en terme de probabilités ? C’était du pareil au même, après tout. A cet instant, Pierre se sentait serein, s’en étonna lui-même jusqu’à ce que tombe « il vous reste » l’échéance « ... six mois » qui lui parut alors « peut-être huit... » intolérable. Trop court, la question n’était pas là – dix ans seraient trop court également – , non, ce que Pierre ne tolérait pas était que son temps fut figé de la sorte. Il avait toujours considéré inconsciemment que sa fin serait, dans son instantanéité le plus grand espace de liberté de son existence, qu’il fut assassiné ou écrasé par un arbre, qu’il tombât d’une falaise ou qu’il attrapât au vol une balle perdue, il détestait alors cette mort tout à la fois programmée et annoncée et indépendante de la volonté de quiconque. Il se crispa et devint blême ; se méprenant (ou se méprenait-il ?), le médecin posa sur son épaule une main qui se voulait rassurante « nous ferons tout pour que vos derniers moments soient les plus confortables possible ». Pierre était si scandalisé qu’il l’en aurait frappé en plein visage. Un mot de plus et...
Cinq mois et une semaine plus tard, Pierre était dans un état critique. Il peinait à s’exprimer, forcé d’ôter son respirateur, et n’avait que de courtes périodes d’éveil. Il ne lui restait que très peu de temps, et il songeait qu’il était en avance sur les prévisions. Il avait toujours été précoce. A huit moi, il marchait. S’il avait su alors, apprenant déjà à lire, sautant une classe, s’il avait su alors qu’il se précipitait vers sa fin. Peut-être aurait-il prit son temps. Cette idée n’avait aucun sens, et Pierre en avait une conscience amusée. Il observait avec une forme de tendresse son esprit tâcher de plus en plus laborieusement de formuler un maximum de pensées. Tout se confondait en mille choses. Il s’était tassé et morcelé pensait le contraire de ce qu’il pensait. Ses amis avaient été là. Sa famille également. Et le notaire. Sa visite fut désagréable ; l’homme était lui-même charmant, et Pierre n’était pourtant pas matérialiste. D’aucuns diraient même de lui qu’ « il donnerait sa chemise ». Organiser l’éparpillement de ses biens lui donna pourtant l’impression de se défaire, il se dissolvait, ce qui semblait beaucoup moins digne que de mourir.
A droite, deux de ses meilleurs amis. A gauche, sa mère et sa sœur. Tous autant qu’ils étaient, ils pleuraient ; Pierre sourit faiblement, ce qui était sa manière d’être désolé pour eux. L’un tenait sa main, l’autre l’autre. Cela le gênait un peu : il se sentait christisé. Mais enfin, c’était bon de les sentir près de lui, tout près. Cela faisait quelque temps maintenant qu’il ne parvenait plus à soulever les paupières. Il entendait un sifflement. Un long bip persistant. Cela lui paraissait ne jamais vouloir s’arrêter. Il ne percevait plus que ça, à présent. Il n’y avait que ce bip qui résonnait de plus en plus fort dans un espace sans limite. Puis cet espace se resserra sur cet ultime réveil qui marquait la fin de ce qui lui paraissait à présent comme un très long rêve, le rêve d’une vie. Se resserra, puis l’étouffa, et le silence.



Bonus ending trouvé écrit d'une main aléatoire dans le carnet; ça se passe juste après "peut-être aurait-il prit son temps.": A quoi BON être prendre de l'avance, à quoi bon être le meilleur si l'on ne finit que brave. Juste Brave. MERDE DEGUEU-LASSE!! JE LAISSE TOMBER C'EST FINILE!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un commentaire? Pour moi? Le mérite-je seulement?

Membres